Europe & Sentiment

Chronique intime de l'Europe

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Par Laetitia Chabannes
16 juil. · 6 mn à lire
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Chronique d'une européenne

Newsletter n°23 : Souffrance et démocratie

J+37 POST ELECTIONS EUROPEENNES

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Le temps du bilan

Alors que les députés européens fraîchement élus font leur rentrée dans l’hémicycle du Parlement Européen de Strasbourg aujourd’hui, il me semble que ces élections européennes 2024 ne sont déjà qu’un lointain souvenir. 

Il faut dire qu’en France, ces élections ont été synonyme de séisme électoral. Et je reconnais que cette actualité sous haute tension des dernières semaines m’a paradoxalement poussée à me taire. 

Plus d’un mois après ces élections européennes et une semaine après ces législatives, le temps du bilan est arrivé. 


Quel état de la démocratie en Europe ? 

Si on regarde les résultats de ces élections européennes, le mot qui me vient en tête est “mitigé” ou “moins pire”. 

Mitigé par son taux de participation de 51%. Un européen sur deux est allé voter. On peut s’en réjouir, c’est le meilleur score depuis les élections de 1994; on peut aussi se questionner sur la mobilisation et l’engagement des citoyen·nes dans la construction européenne. 

Moins pire par son résultat : Si l’extrême droite n’a finalement pas raflé la mise comme on pouvait le craindre, les partis ultra-conservateurs comme le Rassemblement national (France), Fratelli d'Italia (Italie) ou encore l’AfD (Allemagne) ont, ensemble, gagné des sièges par rapport à la législature précédente. 

Mitigé par sa couverture médiatique en France et en Europe de façon générale. Mitigé dans le volume mais aussi dans le contenu. Il est quasiment impossible de parler d’Europe autrement que par le prisme des institutions européennes. Il est quasiment impossible de sortir de la rhétorique de l’extrême droite polarisé et polarisante  d’un nous “les européens” / Les Patriotes (puisque c’est le mot choisi par Viktor Orban) versus eux “les immigrés ou leurs alliés”. 

Bref j’en sors rassurée de ne pas voir la vague brune annoncée. Et déçue du manque de vision portée par nos leaders européens, déçue par leur manque d’ambition, déçue par la déconnexion croissante entre technocrates européens et société civile. 

Comment penser l’Europe de demain ?

Nous avons donc voté pour la 10e fois pour élire nos représentants au Parlement Européen. Et ce que m’a appris la réalisation de cette nouvelle saison, c’est que si nous voulons reconstruire de la confiance : confiance en nos leaders, confiance en nos institutions, confiance en l’autre, il va falloir sortir des échéances électorales et repenser le temps long. 

Et voici quelques pistes de réflexion que j’emprunte à mes 12 invités de cette saison: 

  • La construction européenne ne peut pas se faire sans les peuples.  Et le travail de préparation, de discussions et d’expression est, il me semble, indispensable pour construire un sentiment d’appartenance. (Ralf-Uwe Beck, épisode 1994) 

  • Pour sortir d’une image figée de l’Europe libérale, nous devons nous réapproprier l’histoire de l’Europe et ne pas laisser les récits européens à la seule presse économique ou aux leaders de l’extrême droite. (Rui Tavares, épisode 2009) 

  • Le projet de l’Europe est aujourd’hui un impensé politique. On est pour ou contre, on est pro-européen ou on ne l’est pas et dans les deux cas on ne participe pas à son orientation. De ce fait sa construction est laissée aux fonctionnaires. (Jean Lambert, épisode 1999) 

  • L’identité européenne se différencie de l’identité nationale propre à chaque pays. Il ne s’agit pas de copier les discours des nationalistes mais bien de créer une nouvelle façon de penser notre identité qui ne soit ni dominatrice, ni exclusive (Rastislav Kacer, episode 2004) 

Pour construire l’Europe de demain, nous avons besoin de retrouver du rêve, de l’émotion et de l’espérance. Nous avons besoin de désir et le désir passe aussi par des actes d’imagination constructifs. Il faut créer de nouveaux récits européens, qui ne viennent non du haut, c’est-à-dire des institutions, mais du bas, des citoyen·nes, de la société civile. 

Au-delà de la création de nouveaux récits européens, cette saison révèle la nécessité d’adopter une démarche critique de notre façon d’aborder le projet européen, la nécessité de comprendre notre passé pour construire notre futur. 

Je ne sais pas encore où me mènera la prochaine saison, mais ouverte à toutes les discussions. 

Bel été !

FOULE SENTIMENTALE

Portrait d’européens et d’européennes

Inès Seddiki, Kevin Vacher et Alexandre Pastor

Kevin Vacher, Alexandre Pastor, Inès Seddiki et Laetitia Chabannes au Couvent Levat le 8 juin 2024. Crédits : Marie LacosteKevin Vacher, Alexandre Pastor, Inès Seddiki et Laetitia Chabannes au Couvent Levat le 8 juin 2024. Crédits : Marie Lacoste

Ce n’est pas un mais trois portraits d’européens que je vous propose pour clôturer cette saison. Le dernier épisode bonus qui vient raconter les élections de 2024 à travers la voix de mes trois invités dans le cadre de la Claque Podcast Party à Marseille. 

  • Inès Seddiki, activiste et fondatrice de Ghett’up, une association créée en 2016 qui travaille en faveur de la justice sociale pour les jeunes de quartiers populaires à travers des programmes éducatifs, un pôle recherche et plaidoyer,  un média et des formations à la diversité et à l'inclusion pour les décideurs. 

  • Kevin Vacher, sociologue et cofondateur en 2022 du projet Démocratiser la politique, à la fois projet de recherche et de mobilisation qui vise à promouvoir la parité sociale en politique.

  • Alexandre Pastor, fondateur et directeur de l’association Melting Pot à Marseille qui s’est donné l'objectif de rendre la politique et la compréhension des institutions ludiques, pratiques et adaptées à notre jeunesse.

Pour Kevin Vacher l’Europe c’est d’abord une histoire et ce qu’il nous rappelle c’est que les élections européennes ont à peine 45 ans, “c’est une élection récente où seulement 2 à 3 générations ont été socialisées.”  Il n’est donc pas si étonnant que ces élections nous semblent parfois éloignées.

Pour Inès Seddiki, investie dans le European Network Against Racism, il ne s’agit pas seulement de parler d’Europe, il faut vivre l’Europe, il faut se battre pour qu’elle existe. Il s’agit d’ “européaniser les combats qu’on mène”. “L’Europe ce n’est pas si compliqué que ça, c’est juste qu’il n’y a pas de volonté politique de donner le pouvoir d’agir et de comprendre. Les français sont les citoyens les moins éduqués sur l’Europe. Dès qu’on donne des clés aux gens, aux jeunes des quartiers populaires, ça change absolument tout.” 

Il existe une déconnexion sociale entre nos représentants et la population européenne, a fortiori les jeunes des quartiers. A force de répéter que l’Europe est complexe, on finit par y croire. Et si personne ne vous en parle, on finit pas croire qu’elle n’est pas pour vous. C’est tout le travail mené par Alexandre Pastor et ces ateliers de sensibilisation sur le terrain.  On ne parle de l’Europe que sous le prisme de ces institutions, mais il y a mille façons d’en parler. Pour mobiliser les jeunes de quartiers, il faut leur donner les clés. “Le mouvement appelle le mouvement. Souvent on est bloqué ? Mais l’engagement a tellement de visage.

Pour faire évoluer notre vision de l’Europe, il faut incarner mais aussi donner des espaces d’expressions et de transmission. Kevin Vacher explique  “Plus le pouvoir ou les espaces de pouvoir sont difficilement identifiable, en l'occurrence le Parlement Européen on a cette vision technocratique, et plus on a une difficulté à identifier où est le pouvoir et donc où est son propre pouvoir à travers le vote.” 

Une question demeure : Pour quelle Europe souhaitons-nous nous battre demain ?


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POUR ALLER PLUS LOIN

Dernière ligne droite avant les élections le 9 juin prochain, Europe et Sentiment démarre un petit tour pour venir échanger. Rejoignez-nous !

  • "S'abstenir c'est faire de la politique" avec Edouard Gaudot et Cantin Paulus

Cet épisode a été enregistré dans l’auditorium de RESET à Bruxelles le 28 mai dernier. 

Lors de cet entretien, Edouard Gaudot, enseignant et rédacteur d’un rapport sur le vote des jeunes en Europe et Cantin Paulus, primo-votant et membre du Forum des jeunes en Belgique réagissent à l’écoute du dernier épisode de cette 3e saison qui raconte 2019 et la place des jeunes en Europe, à travers le témoignages d’une jeune candidate au Parlement Européen.

Pour écouter l’épisode : https://smartlink.ausha.co/europe-et-sentiment/bonus-edouard-gaudot-et-cantin-paulus-s-abstenir-c-est-faire-de-la-politique

  • “Unie dans la diversité, je ne m'y retrouve pas dans cette devise” avec Athithiya Anantharajah et Nour Bounaidja

Cet épisode a été enregistré lors d’une soirée d’écoute le 31 mai dernier à la Gaîté Lyrique à Paris. 

Lors de cet entretien, mes deux invitées réagissent à la session d’écoute de l'épisode 2014 Europe, héritage colonial et diversité qui interroge la place de la représentativité des minorités ethniques en Europe et dans ses institutions. 

Nour Bounaidja, très engagée dans le monde associatif et l’éducation populaire, anciennement directrice d’une association dans ce champ. Elle a lancé un podcast “Les mots qui réparent” et contribue à Bissai Média.

Pour écouter l’épisode : https://smartlink.ausha.co/europe-et-sentiment/bonus-athithiya-anantharajah-et-nour-bounaidja-unie-dans-la-diversite-je-ne-m-y-retrouve-pas-dans-cette-devise

  • "Le moment où j'ai mis les pieds dans la rue, j’ai su que je voulais être activiste" avec Julie Pasquet

Cet épisode a été enregistré lors d’une soirée d’écoute à la Gaîté Lyrique à Paris le 26 avril dernier. 

Lors de cet entretien, Julie Pasquet réagit à la session d’écoute de  l’épisode 1989 L’écologie politique sera européenne ou ne sera pas qui raconte la création et l’évolution du parti écologiste au sein des institutions européennes, passant d’un parti contestataire et eurosceptique a un parti européen et au Green Deal. 
Julie Pasquet est la cofondatrice du collectif artiviste écologiste
Le Bruit qui court.

Pour écouter l’épisode : https://smartlink.ausha.co/europe-et-sentiment/bonus-julie-pasquet-le-moment-ou-j-ai-mis-les-pieds-dans-la-rue-j-ai-su-que-c-etait-ce-que-je-voulais-faire-je

L'ACTUALITÉ EUROPÉENNE EN 5 SENTIMENTS

Pour ne pas perdre le fil de l’actualité européenne, nous vous proposons 5 actualités en lien avec les prochaines élections européennes.

  1. Sans surprise : La députée européenne maltaise, Roberta Metsola a été réélue en tant que Présidente du Parlement Européen, poste qu’elle exerçait déjà sous la précédente législature. Élue avec une très large majorité, 562 voix elle démarre un mandat de deux ans et demi.

  2. Make Europe Great Again : C’est le slogan provocateur choisi par Viktor Orban pour la présidence de la Hongrie à la tête du conseil de l’Union Européenne pour les 6 prochains mois. On reconnaîtra le slogan de l’ancien président américain et candidat actuel : Donald Trump. Malgré le bilan controversé de la Hongrie en matière de normes démocratiques et d'État de droit, son rôle sera crucial dans la gestion de l'agenda législatif de l'UE, notamment en ce qui concerne les dossiers retardés notamment de la loi sur la restauration de la nature, de la cybersécurité, de la politique de protection des données, comme le règlement sur les abus pédosexuels, et de la politique migratoire.

  3. Le choix des mots est une affaire sérieuse : Après des semaines de discussions et négociations, il y a donc aujourd’hui trois groupes parlementaires d’extrême droite au Parlement Européen : Les Patriotes pour l’Europe institué par Viktor Orban au lieu et place du groupe Identité et Démocratie, dont Jordan Bardella vient de prendre la présidence, sont devenus le troisième plus important groupe parlementaire à Bruxelles, derrière le PPE (centre droit) et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (gauche). Les Conservateurs et réformistes porté par le parti de Giorgia Meloni Fratelli d’Italia. L’Europe des nations souveraines lancé par l’AfD (Allemagne) et un nouvel arrivant le parti d’extrême droite de la Confédération (Pologne).

  4. Vive la démocratie : Après avoir fait don de son héritage à hauteur de 25 millions d’euros, la militante pour une taxation équitable des riches, Marlene Engelhorn, avait confié à un conseil citoyen le soin de sélectionner les projets bénéficiaires. Les 50 représentants de la société autrichienne ont récemment annoncé les résultats de leurs délibérations, qui ont duré 12 jours. Parmi eux figurent un refuge pour femmes, des organisations environnementales, un projet d'orchestres et des initiatives visant à renforcer la démocratie. C’est peut-être une piste pour un renouveau démocratique.

  5. Et les compromis ? : Les élections fédérales belges se sont tenues le même jour que les élections européennes. Un mois après, le Roi Philippe vient d’appeler le nationaliste flamand Bart De Wever à former un gouvernement de coalition. Ce choix pourrait conduire pour la première fois à la tête de l’Etat belge un partisan de la Flandres indépendante. Paradoxal.

LES DESSOUS

Vos retours sont essentiels

Vos avis sont essentiels

Avez-vous aimé notre dernière saison ? Qu'en avez-vous pensé ? Quels sont vos épisodes préférés ?

Bref autant de questions qu'on se pose depuis la fin de la saison 3 d'Europe et Sentiment.

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